PÉTROLE - Le raffinage

PÉTROLE - Le raffinage
PÉTROLE - Le raffinage

Le raffinage du pétrole est une industrie lourde qui transforme un mélange d’hydrocarbures, appelé pétrole brut, en produits énergétiques, tels que carburant et combustibles, et en produits non énergétiques, tels que matières premières pétrochimiques, lubrifiants, paraffines et bitumes. Les produits sont ensuite acheminés vers le consommateur final, soit directement, soit à travers un réseau de distribution comprenant notamment des dépôts et des stations-service. La transformation des pétroles bruts s’effectue dans les raffineries, usines à feux continus et très automatisées, qui sont plus ou moins complexes selon la gamme des produits fabriqués et selon la qualité des pétroles bruts comparée aux exigences du marché. La complexité d’une raffinerie se traduit par le nombre d’unités de fabrication. Ces unités utilisent des procédés physiques ou chimiques que l’on peut classer en trois catégories: les procédés de séparation, les procédés de conversion et les procédés d’épuration.

Ainsi, le processus continu d’une raffinerie simple comporte d’abord une épuration du pétrole brut, puis une séparation par distillation en produits blancs (distillats légers et moyens) et en produits noirs (résidus lourds). Les produits légers sont convertis en essences pour l’automobile. Une épuration finale est pratiquée sur les produits blancs (fig. 1).

Le degré de raffinage que devra subir un pétrole brut pour répondre aux caractéristiques du marché ne peut se définir par son aspect, son odeur, sa fluidité et sa densité, qui sont cependant des indications précieuses. Il est nécessaire d’effectuer au laboratoire une analyse des fractions obtenues, à la manière des alchimistes d’autrefois qui chauffaient l’huile de roche dans un alambic pour en vaporiser progressivement les parties légères. Les vapeurs étaient condensées au fur et à mesure en passant dans un serpentin refroidi par une circulation d’eau, et du liquide était recueilli goutte à goutte.

Notons que les alchimistes ont donné aux produits de cette opération des noms qui subsistent encore, bien que le processus industriel soit maintenant continu. Le liquide provenant des gouttes recueillies (en latin de stilla ) a été appelé distillat, et l’opération une distillation. Ce qui restait dans l’alambic quand on arrêtait l’opération a été désigné du nom de résidu. La partie la plus volatile était considérée comme la plus pure, ce qui lui a valu l’appellation d’essence, d’esprit (d’où le nom de «white spirit»).

Imaginons que, grâce à un appareillage plus sélectif que celui des alchimistes, nous réalisions au laboratoire la distillation fractionnée d’un litre de pétrole brut léger de référence. La première fraction distillée (environ 1 p. 100 du brut), qui doit être recueillie sous pression si l’on veut l’obtenir sous forme liquide, contient les gaz liquéfiés propane et butane, dont les applications ne cessent de se développer comme carburant pour l’automobile et dans les emplois domestiques ou industriels. Pendant que la distillation se poursuit, la température indiquée par un thermomètre placé dans les vapeurs avant le serpentin augmente régulièrement. Si l’on recueille la deuxième fraction quand la température est de 180 0C, on obtient 20 p. 100 en volume du pétrole brut: le produit a des propriétés voisines de celles de l’essence d’automobile, mais certaines spécifications ne sont pas respectées, en particulier le pouvoir antidétonant dans un moteur, mesuré par l’indice d’octane [cf. CARBURANTS]. La partie légère de ce produit correspond aux solvants légers, et la partie lourde au white spirit, dont l’emploi comme dissolvant des peintures courantes est bien connu. Une troisième fraction séparée au moment où le thermomètre indique 250 0C représente 12 p. 100 du brut, et correspond au pétrole lampant dont l’emploi pour l’éclairage est devenu extrêmement rare, mais qui, mélangé à une partie de la deuxième fraction, constitue le carburéacteur d’avion. À la température de 360 0C, la quatrième fraction recueillie (20 p. 100 du brut), est un produit ambré, actuellement utilisable comme combustible des moteurs à allumage par compression (moteurs diesel): le gas-oil, ou gazole, dont le nom rappelle qu’autrefois les effluents de sa pyrogénation enrichissaient le gaz à l’eau des usines à gaz. La fraction non encore distillée (47 p. 100 du brut) est un produit noir, lourd, visqueux et concentré en composés soufrés et métalliques (notamment nickel et vanadium), que l’on appelle résidu atmosphérique, car l’opération de fractionnement s’est déroulée à la pression de l’atmosphère. Pour illustrer la concentration de ce résidu en composés soufrés, citons quelques chiffres: alors que la densité du pétrole brut est de 0,858 et qu’il contient 1,76 p. 100 de soufre, le résidu atmosphérique a une densité de 0,958 et contient 3,18 p. 100 de soufre.

Ce résidu atmosphérique pourrait être expédié en l’état comme fuel lourd vers une industrie ou une centrale thermique. Cependant, il recèle des produits qu’il n’est pas possible de recueillir en poursuivant l’opération, car la distillation s’accompagnerait d’une décomposition par la chaleur. D’autres méthodes de séparation permettent de préparer les matières premières destinées à la fabrication des huiles lubrifiantes, des paraffines, des cires, des bitumes, ainsi qu’à la conversion en produits légers et moyens. Les produits préparés par séparation et conversion contiennent souvent des impuretés qu’il est nécessaire d’éliminer par divers procédés d’épuration. Ainsi les trois types de procédés – séparation, conversion et épuration – restent les moyens les plus efficaces utilisés par l’industrie du raffinage pour réaliser l’adéquation quantitative et qualitative entre, d’une part, diverses variétés de pétrole brut dont les ressources ont tendance à s’alourdir, et, d’autre part, une gamme de produits consommés dont la structure s’oriente vers un allégement.

1. Les procédés de séparation

Le principe de ces procédés consiste à réaliser la séparation de deux phases (liquide-vapeur, liquide-liquide ou liquide-solide) qui ont une composition en hydrocarbures différente l’une de l’autre et que l’on a préalablement formées par une méthode physique dans le produit à raffiner.

La distillation atmosphérique

La distillation atmosphérique du pétrole brut s’effectue par le procédé de séparation le plus classique. On crée par vaporisation partielle du pétrole brut liquide une phase vapeur et une phase liquide. La phase vapeur, plus légère, est ensuite recueillie par condensation [cf. DISTILLATION]. Actuellement le processus est continu, mais jusque vers 1910 on réalisait en quatre ou cinq jours un cycle d’opérations comprenant: le remplissage du pétrole brut dans des chaudières cylindriques en acier de 50 à 100 tonnes de capacité, la chauffe, la distillation, la vidange du résidu atmosphérique. Pour éviter que l’accroissement des quantités à raffiner n’entraîne une augmentation exagérée du nombre des chaudières, on en a connecté plusieurs après les avoir placées à des niveaux différents. Une partie du distillat condensé venant de la première chaudière y était retournée, amorçant ainsi de proche en proche un reflux de liquide froid indispensable à l’établissement d’un équilibre liquide-vapeur différent dans chacune des chaudières. De cette façon, le résidu liquide de la première retombait dans la deuxième par gravité, et ainsi de suite. Ce système en continu, qui préfigurait une tour de distillation, avait également l’avantage de diminuer considérablement les dépenses en combustibles car une proportion importante de la chaleur contenue dans les vapeurs et les résidus était récupérée.

C’est en 1926 que la société américaine Power Specialty Company construisit la première unité de distillation continue de pétrole brut, composée d’un four tubulaire et d’une grande colonne à plateaux. Les distillats étaient recueillis soit à l’état vapeur en tête de colonne, soit à l’état liquide par prélèvement latéral dans certains plateaux. Ils étaient condensés ou refroidis en circulant dans des appareils cylindriques contenant des tubes de faible diamètre (un pouce, soit 2,54 cm) dans lesquels s’écoulait un liquide plus froid, par exemple le pétrole brut avant son entrée dans le four: de tels appareils qui facilitent le transfert de chaleur entre un produit chaud et un produit froid s’appellent des échangeurs tubulaires. Ce système de distillation fractionnée est aujourd’hui universellement employé.

Une installation moderne de distillation a une très grande capacité de traitement (jusqu’à 25 000 t de pétrole brut par jour) et comprend plusieurs colonnes à plateaux ou tours de distillation. Chaque tour comporte une trentaine de plateaux. La colonne principale, ou tour atmosphérique, a une hauteur de 60 mètres et un diamètre de 8 mètres. Tous les débits, températures et pressions sont commandés en chaque point de l’installation par des appareils d’asservissement automatique, dont le réglage a été préalablement établi en tenant compte des caractéristiques du pétrole brut et de celles des produits à obtenir. Tous les paramètres de fonctionnement apparaissent sur des cadrans et des graphiques continus rassemblés dans une salle de contrôle où des opérateurs peuvent les surveiller en permanence. De plus, l’usage d’appareils modernes, tels que les data loggers ou les ordinateurs, permet soit d’attirer leur attention sur certaines anomalies de fonctionnement, soit même de déterminer et de réaliser instantanément de nouveaux réglages pour faire face à des perturbations extérieures. Grâce à de tels aménagements, il suffit en général d’une équipe de trois opérateurs pour conduire une unité moderne de distillation.

La distillation sous vide

La distillation sous vide du résidu atmosphérique s’effectue aussi par une séparation liquide-vapeur, mais, pour provoquer la vaporisation partielle sans décomposer le produit par la chaleur, il est nécessaire d’opérer sous vide et d’injecter de la vapeur surchauffée. Du fond de la tour atmosphérique, le résidu est pompé à travers un four tubulaire où l’on introduit de la vapeur surchauffée, si bien que le mélange partiellement vaporisé sort du four à une température proche de 400 0C. La vaporisation se poursuit par détente dans la ligne de transfert vers la tour de distillation sous vide dont la zone d’entrée se trouve sous une pression absolue de 100 millimètres de mercure. Le vide, ou plutôt une dépression importante (32 mm de mercure), est en effet maintenue en tête de tour à l’aide d’un éjecteur d’air. De la vapeur d’eau surchauffée est aussi introduite dans le fond de la tour et dans la zone d’entrée du mélange pour abaisser la pression partielle des hydrocarbures. Le distillat recueilli en tête est souvent appelé gas-oil sous vide. Les produits prélevés latéralement sont les distillats sous vide, de couleur ambrée, et utilisés soit comme alimentation des unités de conversion soit comme matière première pour les lubrifiants. Dans ce dernier cas, le degré de séparation est plus fin et la colonne de distillation plus sophistiquée. Le produit noir sortant du fond de tour s’appelle le résidu sous vide: il est plus dense et plus concentré en composés soufrés et métalliques que le résidu atmosphérique et, selon la qualité du brut dont il est issu, est incorporé aux fuels lourds, aux bitumes, ou destiné à une nouvelle séparation.

Le désasphaltage

Le désasphaltage du résidu sous vide est une étape ultime de séparation qui permet d’obtenir l’huile désasphaltée, produit jaune-orangé, et un asphalte utilisable comme combustible malgré sa concentration en composés soufrés et métalliques. Le résidu sous vide se compose de particules carbonées (asphaltènes) dispersées dans un milieu huileux et recouvertes d’une couche stabilisante de résines neutres qui les empêche de se rassembler sous forme de flocons de plus en plus gros. Le procédé consiste précisément à provoquer la floculation des asphaltènes au moyen d’un solvant, les deux phases liquides ainsi formées étant aussitôt séparées par décantation. On a constaté que les hydrocarbures saturés légers tels que le propane, le butane ou le pentane étaient de bons agents de floculation car ils dissolvent les résines et l’huile mais pas les asphaltènes. En pratique, le résidu sous vide et le solvant sont introduits séparément sous forme liquide dans une tour d’une dizaine de mètres de hauteur, équipée de chicanes qui assurent un bon brassage du courant ascendant de solvant et du courant descendant de résidu sous vide. Les conditions opératoires dépendent du solvant choisi: avec le propane (qui doit être à l’état liquide), la pression est de 35 atmosphères et la température voisine de 50 0C. Les deux phases séparées par décantation contiennent du solvant, récupéré par distillation puis recyclé. L’huile désasphaltée est utilisée pour la fabrication des lubrifiants très visqueux et pour la conversion en essences.

L’extraction

L’extraction des aromatiques est un procédé qui, par l’action d’un solvant sélectif, provoque la création de deux phases liquides grâce à la miscibilité partielle dans ce solvant de certains constituants du produit à raffiner. Comme le procédé précédent, les deux phases sont aussitôt séparées par décantation et le solvant recyclé après récupération par distillation. Des deux produits obtenus, l’un, riche en aromatiques, s’appelle l’extrait, l’autre le raffinat. Le plus souvent, l’extraction est réalisée dans une colonne garnie d’anneaux en céramique afin d’augmenter la turbulence et d’améliorer le contact avec le solvant ou dans une colonne à agitation mécanique. En pétrochimie, une telle extraction est une étape de la fabrication des aromatiques légers issus de l’essence qui provient du vapocraquage. En raffinerie, on extrait les composés aromatiques lourds contenus dans l’huile désasphaltée ou dans les distillats sous vide destinés à la fabrication des huiles. Cette extraction permet de séparer un raffinat dont l’indice de viscosité et la stabilité à l’oxydation se trouvent améliorés. Les solvants les plus employés pour cette opération sont le furfurol et le phénol. Les extraits aromatiques issus des divers distillats sous vide ont des utilisations variées dans l’industrie du caoutchouc ou dans la constitution de certains bitumes et fuels lourds.

La cristallisation

Un autre procédé de séparation pour la fabrication des lubrifiants consiste à provoquer, par refroidissement, la cristallisation spontanée des paraffines ou cires et à créer ainsi une phase solide et une phase liquide. La séparation de ces deux phases s’effectue en continu, avec l’aide d’un solvant sélectif, par filtration sous vide. En fait, celui-ci est ajouté avant le refroidissement car il a une action favorable sur la formation des cristaux de paraffine.Tous les raffinats subissent un tel traitement (qu’on appelle alors un déparaffinage), car leur point de congélation est trop élevé (de 20 à 35 0C) par rapport à celui des huiles pour l’automobile qui ne doit pas dépasser 漣 15 0C. Chaque raffinat préalablement stocké est réchauffé après addition de solvant, pour avoir un mélange bien homogène et éviter par la suite une cristallisation désordonnée. Le refroidissement jusqu’à 漣 20 0C est réalisé dans des refroidisseurs d’un type spécial constitués d’un tuyau central traversé par un axe rotatif muni de racleurs et entouré d’un tuyau de plus grand diamètre où circule à contre-courant le fluide réfrigérant (ammoniac ou propane liquides). Le mélange refroidi est alors acheminé vers les filtres. Chacun comporte une cuve dans laquelle tourne un tambour cylindrique horizontal d’environ 3 mètres de diamètre et 5 mètres de longueur. Ce tambour percé de trous est recouvert d’une toile entourée par un fil d’acier. Sur la toile se dépose un «gâteau paraffinique» gorgé de solvant tandis que l’huile déparaffinée mélangée à du solvant passe à travers le gâteau et la toile. Comme précédemment, le solvant est ensuite recyclé après avoir été retiré par distillation de chacun des deux produits: l’huile déparaffinée et le gâteau de paraffine huileuse. Ce dernier subira ultérieurement un déshuilage au moyen d’une recristallisation à plus haute température avec le même procédé. Cette fois le gâteau déposé sur la toile du filtre sera de la paraffine brute. Celle-ci ainsi que l’huile déparaffinée seront ensuite épurées. Comme on peut le constater, les procédés de séparation sont nombreux, particulièrement dans la séquence de fabrication des lubrifiants (fig. 2).

2. Les procédés de conversion

Les proportions des produits obtenus par séparation à partir des pétroles bruts ne coïncident avec le profil des besoins du marché ni en quantité ni en qualité. Les procédés de conversion effectuent des transformations moléculaires qui accomplissent cette adéquation. Ils utilisent essentiellement des réactions chimiques que l’on peut classer en trois catégories suivant que les liaisons carbone-carbone des molécules sont rompues (craquage), regroupées (synthèse) ou conservées (réarrangement). D’une façon générale, ces transformations sont soit purement thermiques, soit aidées par un catalyseur, soit réalisées en présence d’hydrogène.

Le craquage

Le craquage thermique

Le craquage thermique, procédé le plus ancien, s’est appliqué d’abord aux distillats moyens (gazoles) puis à la partie légère des résidus (distillats sous vide). Par décomposition thermique à une température voisine de 500 0C et sous des pressions élevées, ces distillats étaient transformés en essences. La réaction donnait lieu à la formation de coke. C’est lors de la mise au point des premières installations industrielles de craquage thermique qu’est apparu le four tubulaire, véritable réacteur de l’unité, dont l’emploi s’est ensuite généralisé dans toutes les autres installations de raffinage comme un moyen efficace de fournir des calories aux produits traités. Actuellement, le craquage thermique est pratiqué sur la partie lourde des résidus (résidus sous vide), de façon modérée par viscoréduction, ou sévère par cokéfaction. Il est aussi utilisé avec de la vapeur (vapocraquage) en pétrochimie pour produire les oléfines. La conversion généralisée des distillats sous vide et la diminution des quantités de pétrole bruts traités ont entraîné la séparation de tous les distillats sous vide. Il en a résulté une production corrélative de résidu sous vide bien supérieure aux besoins des bitumes. Les excédents très visqueux sont dilués avec du gazole pour obtenir une viscosité du mélange conforme à la spécification requise pour le fioul lourd. La viscoréduction du résidu sous vide est un craquage thermique modéré de plus en plus employé car, outre une faible production de distillats légers, il permet d’obtenir un résidu moins visqueux réduisant ainsi la quantité de gazole de dilution introduite dans le fioul lourd et par conséquent la quantité de fioul lourd fabriqué. Dans certains cas, cette quantité est encore supérieure aux besoins du marché. La cokéfaction du résidu sous vide, qui est un craquage thermique sévère, se substitue alors à la viscoréduction. Le but de cette opération, le plus souvent discontinue (cokéfaction différée), est de fabriquer du coke qui sera ultérieurement brûlé en l’état ou gazéifié.

Le craquage catalytique

Le craquage catalytique des distillats sous vide a depuis longtemps remplacé leur craquage thermique. Le catalyseur fluidifié en fines particules facilite la réaction qui s’effectue à une pression voisine de celle de l’atmosphère. Il est régénéré en continu: le coke qui se dépose à sa surface est brûlé au fur et à mesure. Les installations industrielles de craquage catalytique sont très complexes: outre le réacteur et le régénérateur, elles comportent une séparation des produits craqués, sorte de pétrole brut synthétique, ainsi qu’une récupération d’énergie puisque la température de régénération est proche de 700 0C. Les catalyseurs et la technologie de la réaction ont évolué pour augmenter à la fois la conversion et la production d’essences. Maintenant, les catalyseurs très actifs sont des tamis moléculaires, le temps de contact est de l’ordre de quelques secondes et le rendement en essence voisin de 50 p. 100. Des installations de craquage catalytique de résidu atmosphérique commencent à se développer, mais ce produit doit préalablement être épuré pour éviter l’empoisonnement du catalyseur.

L’hydrocraquage et l’hydrodémétallisation

Le craquage catalytique en présence d’hydrogène est pratiqué sur les distillats sous vide (hydrocraquage) et sur les résidus atmosphériques (hydrodémétallisation). L’hydrocraquage réalise une transformation presque complète en essence, carburéacteurs et gazoles, et s’effectue en une seule ou deux étapes suivant que l’on vise la fabrication maximale de gazoles ou d’essences. Une forte pression d’hydrogène (100 à 150 atmosphères) associée à une température modérée (350 à 450 0C) limite les dépôts de coke sur le catalyseur, ce qui permet de fonctionner en lit fixe avec régénération périodique du catalyseur par combustion. La consommation d’hydrogène est importante et représente plus de la moitié du coût d’exploitation.

L’hydrodémétallisation a pour principal objectif de débarrasser de leurs composés métalliques les résidus atmosphériques destinés à être craqués en présence d’un catalyseur pour lequel ces composés sont un poison. Les conditions opératoires sont sévères et la réaction catalytique en présence d’hydrogène s’accompagne d’un craquage.

Le schéma de la figure 3 résume les procédés de conversion les plus usuels pour les résidus lourds en mentionnant toutes les filières, même si certaines s’excluent en fait entre elles.

La synthèse des gaz

La synthèse des gaz de pétrole en carburants liquides revêt plusieurs formes, notamment la polymérisation et l’alcoylation (ou alkylation). La polymérisation, qui est la réunion de plusieurs molécules non saturées, est pratiquée en raffinerie sur les gaz de craquage catalytique car leur teneur en oléfines (molécules non saturées) est importante. Si l’on chauffe ensemble ces gaz à une température comprise entre 150 et 220 0C en présence d’acide phosphorique et sous une pression de 30 à 70 atmosphères, on obtient des hydrocarbures polymérisés liquides qui constituent une fraction d’essence à haut indice d’octane. L’alkylation consiste à associer des hydrocarbures gazeux paraffiniques ramifiés (par exemple l’isobutane) avec des oléfines légères. La combinaison s’effectue à la température ambiante avec comme catalyseur l’acide sulfurique concentré ou l’acide fluorhydrique. Elle conduit à des hydrocarbures paraffiniques ramifiés liquides (par exemple l’isooctane) à haut indice d’octane.

Le réarrangement des molécules avec conservation des liaisons carbone-carbone est pratiqué sur les distillats légers pour augmenter l’indice d’octane des essences par aromatisation (reformage) ou isomérisation, et sur les résidus lourds par oxydation pour améliorer les propriétés des bitumes.

Le reformage et l’isomérisation

Le reformage des distillats légers dont le point d’ébullition est supérieur à 80 0C est le procédé le plus classique pour fabriquer des fractions d’essences riches en hydrocarbures aromatiques qui ont un très haut indice d’octane. Il s’effectue vers 530 0C, donc à plus haute température que le craquage. D’abord exclusivement thermique jusque vers 1939, le reformage a ensuite utilisé comme catalyseur de l’oxyde de molybdène, puis, vers 1948, du platine, d’où le nom de Platforming donné à ce type de procédé. On obtient de 75 à 80 p. 100 d’essence reformée à haut indice d’octane, des gaz liquéfiés et environ 1 p. 100 en poids d’hydrogène, considéré aujourd’hui comme un précieux réactif pour l’épuration des produits par désulfuration. L’opération de reformage catalytique est conduite sous une pression de 20 à 40 atmosphères en présence d’hydrogène fabriqué par la réaction, ce qui évite la formation de coke. Il s’en dépose néanmoins un peu sur le catalyseur qui doit être régénéré par combustion tous les six à neuf mois. Plusieurs unités utilisent maintenant un catalyseur bimétallique et une technologie permettant sa régénération continue.

Les distillats légers dont le point d’ébullition est inférieur à 80 0C ne sont pas transformables par le reformage catalytique car leurs molécules contiennent moins de six atomes de carbone, seuil des hydrocarbures aromatiques. S’il s’avère nécessaire d’améliorer leur indice d’octane, on fait appel au procédé d’isomérisation qui transforme les hydrocarbures paraffiniques à chaîne droite en hydrocarbures paraffiniques ramifiés dont l’indice d’octane est meilleur. L’opération s’effectue avec des produits sous forme liquide ou gazeuse, entre 20 et 70 atmosphères, à une température de 120 à 200 0C, en présence d’hydrogène pour éviter les réactions parasites de craquage, et avec comme catalyseur un métal noble activé par de l’acide chlorhydrique.

L’oxydation des résidus sous vide destinés aux bitumes, par soufflage à l’air vers 230 0C, augmente leur teneur en asphaltènes, ce qui les rend plus durs, donc plus conformes aux spécifications.

3. Les procédés d’épuration

Les procédés d’épuration ont pour but de débarrasser les produits traités, ainsi que les effluents liquides et gazeux, des composés indésirables qui y sont contenus en faibles proportions. Ces procédés séparent ou transforment les composés qui pourraient s’avérer nocifs pour les opérations de raffinage, pour les utilisateurs des produits fabriqués ou pour l’environnement.

Le dessalage

Le dessalage du pétrole brut avant sa distillation évite des dépôts de sels dans les tubes des fours et des corrosions acides en tête des colonnes de fractionnement. Même s’il a été préalablement dessalé sur le champ de production, le pétrole brut a recueilli au cours de son transport maritime des chlorures de sodium, de magnésium et de calcium – d’une dizaine de grammes à plusieurs kilogrammes par tonne, suivant son origine – qu’on dissout en y injectant de 7 à 8 p. 100 d’eau douce et en formant une émulsion chaude. Cette émulsion s’écoule dans un récipient cylindrique horizontal où elle est soumise à l’action d’un champ électrostatique de 20 000 à 35 000 volts, qui favorise l’agglomération des gouttes d’eau chargées de sels et leur séparation par décantation.

La désulfuration

La désulfuration est un traitement très répandu qui utilise les procédés les plus variés. Les gaz incondensables ou liquéfiés sont épurés de leur hydrogène sulfuré par les éthanolamines ou propylamines qui le dissolvent à froid, le rejettent à chaud et sont recyclés un grand nombre de fois. Les gaz liquéfiés sont ensuite séchés par passage sur les tamis moléculaires. Les distillats légers sont, le plus souvent, totalement désulfurés avant même d’être séparés, par une hydrogénation à 350 0C sous 30 atmosphères en présence d’un alliage de cobalt et de molybdène. Les carburéacteurs et les gazoles sont hydrogénés séparément à 400 0C et sous une pression de 30 à 70 atmosphères. Les huiles déparaffinées et les paraffines brutes, qui autrefois étaient épurées à l’acide sulfurique et à la terre décolorante, sont maintenant hydrogénées en présence de catalyseur pour éliminer les composés sulfurés, oxygénés et azotés et améliorer ainsi leur couleur et leur stabilité. Comme les composés sulfurés auxquels s’attaquent tous ces traitements d’hydrogénation sont en faibles proportions, l’hydrogène requis n’a besoin d’être ni très abondant ni très pur, si bien que le gaz hydrogéné produit en excédent par le reformage catalytique convient tout à fait.

Autres traitements

L’hydrogénation qui transforme tous les composés sulfurés organiques en hydrogène sulfuré est nécessaire, au moins pour la partie des distillats légers destinée au reformage, car ces composés sulfurés sont nocifs pour le catalyseur. S’agissant des essences et des carburéacteurs, on peut se contenter d’un «adoucissement» qui n’élimine pas les composés sulfurés mais transforme les mercaptans malodorants en disulfures inodores. Les procédés d’adoucissement mettent en œuvre le chlorure de cuivre ou une phtalocyanine de cobalt (procédé Merox) qui catalysent l’action de l’eau ou de l’oxygène. Les additifs à base de plomb, qui améliorent l’indice d’octane de façon plus économique que les procédés de conversion, sont systématiquement ajoutés, jusqu’à la limite maximale autorisée, au moment de la fabrication des essences par mélange de produits épurés.

Les effluents gazeux provenant des procédés de désulfuration contiennent essentiellement de l’hydrogène sulfuré et ne peuvent être brûlés dans les fours de la raffinerie, car les fumées rejetées dans l’atmosphère seraient toxiques à cause de leur teneur en anhydride sulfureux. L’épuration consiste à fabriquer du soufre dans une installation où l’on commence à transformer, par brûlage, une partie de l’hydrogène sulfuré en anhydride sulfureux, puis, par réaction catalytique de ces deux produits entre eux, on les convertit en soufre liquide et en eau.

Les effluents liquides de raffinerie sont des eaux résiduaires polluées chimiquement ou des eaux pluviales devenues huileuses au contact des installations. Ils subissent tout ou partie d’une séquence d’épuration comprenant une séparation gravitaire, une floculation et un traitement biologique. Les boues huileuses recueillies sont épaissies puis incinérées.

En aval de la raffinerie et avant la livraison aux consommateurs, on ajoute à certains produits, tels que les essences et les huiles, des additifs qui améliorent encore leur stabilité, leur détergence, leur point de congélation ou leur indice de viscosité. Dans de véritables petites usines qui reçoivent les lubrifiants de la raffinerie, on procède à de savants dosages avec des additifs, pour fabriquer un grand nombre de qualités d’huiles destinées à de multiples usages et on effectue la mise en bidons ou en fûts de ces qualités commerciales.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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